Témoignage 18
Dissociation traumatique,  Victime/surivant.e

Témoignage #18

L’inceste est un fantôme

Lorsque j’étais petite je pensais que je n’existais pas, voici l’un des souvenirs marquants de mon enfance, cette sensation qu’en fait ce qui m’arrive n’est pas réel puisque je n’ai pas d’existence. C’est ce moyen que mon cerveau a choisi pour rendre acceptable ce que j’ai vécu, pourquoi notre cerveau fait cela, il n’aurait pas plutôt pu me dire « réagis, parle il faut que tu parles … » mais non à la place j’ai eu le sentiment d’évanescences et les allergies.

En même temps je me rends compte aujourd’hui qu’après tout je n’ai pas trop à me plaindre parce que depuis que je travaille dans le milieu de l’aide sociale à l’enfance, je me dis qu’au fond je ne suis qu’un grain de sable dans l’océan des agressions sexuelles subies en intra familial par les enfants de nos jours.

Je ne veux plus que ces faits me définissent, j’ai trop longtemps pensé avec fatalisme que c’était le cas, mais non en fait je peux choisir ce qui me définit, je ne suis pas obligée de passer le reste de ma vie à me dire c’est comme ça de toute façon c’est le karma, j’attire les problèmes.

Je peux agir, je peux parler, je peux vivre normalement, j’ai le droit d’avoir une vie sexuelle épanouissante sans culpabiliser, j’ai le droit de dire non, sur ce dernier point j’avoue que c’est encore compliqué, en effet mon esprit est tellement attaché au fait que le sexe est le seul moyen d’être véritablement aimé, le seul moyen de régler les problèmes que je ne m’autorise toujours pas à dire non, je trouve des excuses ou je simule une maladie plutôt que de dire simplement « non je n’ai pas envie que tu me touches aujourd’hui »

L’inceste est une ombre, un fantôme qui reste tout le temps tapis dans un coin, c’est un personnage nocturne qui aime à venir se rappeler à nos bons souvenirs au moment de l’endormissement.

Il tourne, il vire parfois se calme mais ressurgit toujours dans les moments importants pour mettre le doute sur le fait que l’on a le droit de vivre une vie normale, c’est comme si on lui devait quelque chose, si on avait des comptes à lui rendre.

Il peut déstabiliser, détruire ou même ronger jusqu’à la mort.

Il est tellement incompréhensible et inimaginable que la plupart des proches préfèrent l’ignorer, le minimiser ou le rejeter car regarder la vérité en face est trop difficile, accepter qu’un membre de votre famille avec qui vous avez partagez tant de bons moments, accepter qu’un fils, un neveu, un frère est pu faire cela alors même que vous étiez là, juste à côté est tout simplement impensable.  

Il m’a fallut 20 ans pour parler, 20 ans que je regrette amèrement, 20 ans passé avec la peur que cela se reproduise avec quelqu’un d’autre, 20 ans englué dans le silence, 20 ans à faire semblant pour préserver un équilibre familiale.

Aujourd’hui malgré la culpabilité d’avoir fait voler en éclats la famille, je ne regrette rien, je me sens plus en accord avec moi même, ceux qui me soutiennent sont ceux qui méritent mon amour et c’est tout ce qui compte, je n’ai besoin de personne d’autre.

Aujourd’hui j’ai besoin de sentir que les gens me soutiennent et prennent part à mon combat, à ceux qui me sont le plus proches aidez moi à m’assumer, à parler librement, à me battre car je n’y arriverai pas seule la marche est trop haute pour la grimper sans aide.

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